Les températures élevées pendant la grossesse pourraient favoriser les troubles linguistique et neurodéveloppementaux des jeunes enfants

Une étude française révèle que l'exposition à des températures élevées durant la grossesse et les premiers mois de vie augmente les risques de troubles linguistiques et neurodéveloppementaux chez les jeunes enfants.

5 minutes de lecture
5 minutes de lecture
© Photo : Freepik

Une étude française met en évidence le lien potentiel entre l’exposition aux températures élevées durant la grossesse et les premiers mois de vie, d’une part, et les troubles linguistiques et neurodéveloppementaux, d’autre part. Cette découverte, publiée dans la revue Environmental Health, soulève d’importantes préoccupations alors que les vagues de chaleur s’intensifient.

- Publicité -

Les chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes ont analysé les données de 12 000 couples mère-enfant de la cohorte Elfe. Leurs résultats montrent pour la première fois un lien entre chaleur excessive et développement cérébral des nourrissons.

L’équipe dirigée par Johanna Lepeule, directrice de recherche à l’Inserm, a identifié deux périodes particulièrement vulnérables : le début du deuxième trimestre de grossesse (entre la 14e et la 19e semaine) et les sept premiers mois de vie.

- Publicité -

Impact sur le développement du langage

Des températures extrêmes durant ces périodes spécifiques sont associées à une diminution des capacités langagières pouvant atteindre 15 % chez les enfants de deux ans. À l’inverse, les températures froides pendant la grossesse semblent améliorer les scores d’acquisition du langage, probablement parce qu’elles incitent les femmes à rester à l’intérieur dans un environnement thermique confortable.

La méthodologie utilisée par les scientifiques se distingue par sa précision. Grâce à des modèles d’exposition « à fine échelle », ils ont pu estimer semaine après semaine les températures vécues par les mères et les nourrissons avec une précision de 1 km en zone rurale et 200 m en zone urbaine.

- Publicité -

Mécanismes et conséquences

Cette sensibilité s’explique notamment par la vulnérabilité des femmes enceintes et des nourrissons au stress thermique, leurs mécanismes de thermorégulation étant moins efficaces. Des études sur les animaux ont déjà démontré que les températures extrêmes perturbent plusieurs mécanismes neurobiologiques fondamentaux, comme la prolifération, la différenciation et la migration des neurones.

« Aujourd’hui, on sait qu’à court terme, la chaleur joue sur les capacités immédiates de concentration et diminue les performances cognitives. Si les effets de la chaleur sur le développement neuropsychologique de l’enfant observés dans nos travaux sont confirmés, il faudra s’attendre à découvrir des conséquences, pas seulement ponctuelles, mais sur toute la durée de la vie », explique Johanna Lepeule.

- Publicité -

Implications pour la santé publique

Ces résultats s’inscrivent dans un contexte plus large d’impacts sanitaires du changement climatique. Les températures élevées sont déjà associées à une augmentation des maladies respiratoires chroniques, de l’asthme, des problèmes cardiovasculaires et des allergies chez les enfants.

La chaleur excessive affecte également la santé mentale des plus jeunes, avec un risque accru de stress post-traumatique et de dépression. Sur le plan éducatif, les vagues de chaleur contribuent à la baisse des résultats scolaires et à l’augmentation de l’absentéisme, la déshydratation et l’inconfort thermique réduisant significativement la capacité de concentration des élèves.

- Publicité -

« Nos résultats sont un signal précurseur de l’impact d’un réchauffement global sur le développement cognitif humain à long terme », alerte Johanna Lepeule. « L’identification de ces fenêtres de vulnérabilité pourrait permettre de cibler des messages de prévention ».

Des recommandations en attente

Pour l’heure, il n’existe aucune consigne spécifique pour protéger les futures mères et les bébés des effets des fortes chaleurs. Les auteurs plaident pour la mise en place de campagnes d’information et d’espaces climatisés accessibles. « L’objectif n’est pas d’alarmer, mais d’anticiper. En identifiant les moments où le risque est maximal, on peut imaginer des interventions simples : surveillance accrue, hydratation optimisée, limitation des sorties aux heures chaudes », détaille Johanna Lepeule.

Reste une question cruciale : ces effets observés à deux ans persistent-ils ensuite ? L’équipe planche déjà sur de nouvelles analyses pour suivre les enfants jusqu’à l’âge de cinq ans. « Le langage à deux ans est un marqueur précoce, mais d’autres compétences, comme les capacités motrices et sociales, pourraient aussi être touchées », souligne la chercheuse.

Une bombe à retardement climatique

Ce travail s’inscrit dans un environnement scientifique de plus en plus préoccupant. En 2022, une étude danoise avait déjà associé l’exposition prénatale à la pollution atmosphérique à des retards de développement. Aujourd’hui, la chaleur s’ajoute à la liste des facteurs environnementaux menaçant le neurodéveloppement. « Le réchauffement climatique ne menace pas seulement les écosystèmes. Il pourrait aussi altérer, de façon subtile mais profonde, le potentiel cognitif des êtres humains », conclut Johanna Lepeule.

- Publicité -
Partager cet article
Aucun commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *