À partir du 1ᵉʳ avril 2025, les indemnités journalières versées par l’Assurance maladie en cas d’arrêt maladie subiront une baisse historique. Cette réforme, confirmée par le ministère du Travail, réduit le plafond de 1,8 à 1,4 fois le Smic, passant d’environ 53 à 41,47 euros par jour. Une décision qui cristallise les tensions entre syndicats, employeurs et gouvernement.
Le tournant d’avril 2025
Le calcul des indemnités d’arrêt maladie repose sur un pourcentage du salaire journalier, plafonné à une fraction du Smic. Jusqu’ici fixé à 1,8 fois ce montant, ce seuil garantissait un minimum vital aux salariés en arrêt. La nouvelle règle, activée par décret, rogne cette sécurité financière. « Les montants maximaux des indemnités journalières […] sont calculés tous les ans à partir du salaire journalier de base du Smic », rappelle l’Assurance maladie.
Si certains salariés ne verront pas la différence – notamment ceux dont l’employeur complète les indemnités pour atteindre 90 % du salaire –, d’autres subiront une perte sèche. Les travailleurs précaires, les employés de maison ou ceux en arrêt de longue durée sans couverture prévoyance seront les premiers touchés. « Cette mesure va toucher les salariés les plus fragiles », alerte la CFDT dans un communiqué daté d’octobre 2024.
Les employeurs en première ligne
La réforme reporte une partie de la charge financière sur les entreprises. Celles-ci devront compenser la baisse des indemnités maladie pour maintenir le salaire à au moins 90 %, comme l’exige la loi. Un surcoût évalué à 800 millions d’euros par le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), qui qualifie la mesure de « 100 % irresponsable ».
« C’est une mesure brutale. Elle ne cherche ni à comprendre ni à agir sur les causes de la hausse des arrêts maladie », dénonce la CFDT. Les syndicats redoutent un effet domino : hausse des cotisations prévoyance, tensions sociales accrues et précarisation des travailleurs malades.
Le gouvernement face à l’explosion des dépenses
Le ministère du Travail justifie cette coupe budgétaire par l’envolée des indemnités journalières, qui pourraient dépasser 17 milliards d’euros fin 2024. « L’augmentation très forte du volume financier nous oblige à agir », explique-t-on rue de Grenelle. Sans fournir de chiffres précis sur le nombre de salariés impactés, le gouvernement promet « une réflexion plus globale sur les causes d’une telle évolution ».
Cette réforme s’inscrit dans un contexte de durcissement des règles concernant les arrêts maladie, après l’instauration du délai de carence d’un jour en 2023. Pour les experts, elle pose une question centrale : comment concilier maîtrise des dépenses sociales et protection des travailleurs fragilisés par la maladie ?
Une bombe à retardement sociale
Les employeurs du secteur privé, déjà confrontés à l’inflation des coûts salariaux, redoutent l’impact de cette mesure. « Les hausses de cotisations vont peser sur notre compétitivité », anticipe un dirigeant de PME sous couvert d’anonymat. Du côté des salariés, la crainte de ne plus pouvoir bénéficier des arrêts maladie nécessaires grandit. « Quand on gagne le Smic, perdre 12 euros par jour, c’est renoncer à des soins ou à se nourrir correctement », témoigne une aide à domicile.
Le CTIP met en garde contre un « transfert de charge vers les complémentaires santé », qui pourrait entraîner une hausse des primes d’assurance pour les particuliers. Un scénario qui inquiète les associations de patients, déjà confrontées à des renoncements aux soins.
Vers un nouveau modèle ?
Face aux critiques, le gouvernement évoque un « rééquilibrage nécessaire » sans préciser les pistes envisagées. La question des abus – souvent pointés du doigt dans le débat public – reste en suspens. Aucune donnée officielle ne corrobore l’idée d’une explosion des arrêts maladie frauduleux.
Cette réforme marque en tout cas un tournant dans la gestion des indemnités maladie. Elle interroge la solidarité nationale face à la maladie, à l’heure où les inégalités sociales de santé s’accentuent. Comme le résume un économiste spécialiste de la protection sociale : « On rogne les filets de sécurité sans s’attaquer aux racines du mal : la pénibilité au travail, le mal-être professionnel et la précarité. »